Aller au contenu

Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE LIX.


Quelles sont les confédérations ou les ligues qui doivent inspirer le plus de confiance, ou celles faites avec une république, ou celles faites avec un prince.


Comme il arrive chaque jour qu’un prince avec un prince, une république avec une république, forment des ligues et contractent des amitiés, qu’il se trouve même des alliances et des traités entre une république et un prince, je crois devoir examiner quelle est la foi la plus constante, et dont on doive tenir plus de compte, ou celle d’une république, ou celle d’un prince. Après avoir tout bien examiné, je crois qu’ils se ressemblent dans beaucoup de circonstances, mais qu’il en est quelques-unes où ils diffèrent.

Je pense donc que les traités imposés par la force ne seront observés ni par un prince ni par une république ; je suis persuadé que si l’on tremble pour le salut de l’État, l’un et l’autre, pour écarter le danger, rompra ses engagements et ne craindra pas de se montrer ingrat. Démétrius, surnommé le preneur de villes (Poliorcètes), avait comblé de bienfaits les Athéniens. Battu dans la suite par ses ennemis, il résolut de se réfugier dans Athènes, plein de confiance dans la reconnaissance d’une ville amie : on ne voulut pas l’y recevoir ; et ce refus lui parut plus cruel que la perte même de ses États et de ses armées. Pompée, défait par César en Thessalie, alla chercher un asile en Égypte auprès de Ptolomée, qu’il avait autrefois replacé sur le trône, et qui l’en récompensa en lui donnant la mort. Cette conduite semblable fut déterminée par les mêmes causes ; seulement celle de la république fut moins atroce et moins ingrate que celle du prince.