Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ne jamais le prévenir. Mais celui dont les sujets désarmés habitent un pays impropre à la guerre, doit, autant qu’il peut, écarter le danger de son territoire. Ainsi chacun, selon le caractère de ses sujets, aura trouvé le meilleur moyen de se défendre.



CHAPITRE XIII.


La ruse sert plus que la force pour s’élever des derniers rangs au faite des honneurs.


Rien à mon avis n’est plus vrai que les hommes s’élèvent rarement d’une basse fortune au premier rang, si cela même est arrivé quelquefois, sans employer la force ou la fourberie, à moins que ce rang, auquel un autre est parvenu, ne leur soit donné ou laissé par héritage. Je ne crois pas que jamais la force seule ait suffi, tandis que la seule fraude a cent fois réussi, comme en demeurera convaincu quiconque lira la vie de Philippe de Macédoine, celle d’Agathocle de Sicile, et de mille autres qui, du sein d’une fortune médiocre, ou même des derniers rangs du peuple, sont parvenus au trône ou au faîte du pouvoir.

Xénophon, dans sa vie de Cyrus, fait sentir la nécessité de tromper les hommes, lorsque l’on considère que la première entreprise qu’il fait faire à Cyrus contre le roi d’Arménie n’est qu’un tissu de fourberies à l’aide desquelles et sans employer la force il s’empare de tout son royaume. La conclusion qu’il tire de cette conduite, c’est qu’un prince qui veut faire de grandes choses doit nécessairement apprendre à tromper. Cyrus se joue pareillement de mille manières de Cyaxare, roi des Mèdes, son oncle paternel ; et son historien se contente de dire que sans toutes ces ruses Cyrus ne fût jamais parvenu au rang suprême où il s’éleva.