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Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/429

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Le même malheur accabla les Véïens, qui, non contents, comme je l’ai dit, de faire la guerre aux Romains, les poursuivaient encore par des paroles outrageantes ; ils venaient jusque sur les palissades du camp proférer contre eux des injures : les offenses les irritèrent plus encore que les armes ennemies ; ces mêmes soldats, qui d’abord ne faisaient la guerre qu’avec répugnance, contraignirent les consuls à donner le signal du combat, et les Véïens, comme les habitants d’Amide, portèrent la peine de leur orgueil.

Un général habile, l’administrateur éclairé d’une république, doivent empêcher, par-dessus tout, les citoyens ou les soldats de s’injurier entre eux ou d’injurier même leurs ennemis ; car si l’injure atteint les ennemis, il en résulte les inconvénients dont nous venons de parler ; si elle blesse les citoyens entre eux, elle peut enfanter de plus grands maux encore, si l’on n’y remédiait sur-le-champ, comme les hommes sages se sont toujours efforcés d’y remédier.

Les légions romaines qu’on avait laissées à Capoue conspirèrent contre les habitants de cette ville, ainsi que je le dirai ailleurs. Au milieu de ce complot éclata une sédition que Valerius Corvinus parvint à apaiser ; et parmi les conditions qui furent accordées à la révolte, on ordonna que les peines les plus graves fussent décernées contre ceux qui feraient jamais le moindre reproche aux soldats d’avoir fait partie des séditieux.

Tiberius Gracchus, dans la guerre contre Annibal, ayant été nommé capitaine d’un corps d’esclaves que les Romains avaient armés pour subvenir à la pénurie des hommes, prescrivit, parmi les premières mesures, de condamner à la peine capitale tous ceux qui oseraient reprocher à l’un d’entre eux d’avoir été esclave : tant les Romains, ainsi que je l’ai dit plus haut, regardaient comme dangereux le mépris qu’on témoigne pour les hommes, et la honte dont on les accable ! Car il n’est