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Page:Abbé du Prat - Vénus dans le cloître ou la Religieuse en chemise, 1920.djvu/40

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de faire son salut dans le monde, qui disposa beaucoup mon esprit à se laisser tromper. Ce n’était néanmoins que de légères préparations : il avait bien d’autres subtilités pour s’insinuer dans mon intérieur, et pour me faire entrer dans ses sentiments. Il me disait quelquefois qu’il remarquait dans ma physionomie le véritable caractère d’une âme religieuse : qu’il avait un don particulier pour en faire un juste discernement, et que je ne pouvais, sans faire une injure à Dieu (c’est ainsi qu’il parlait), consacrer au monde une beauté aussi parfaite que la mienne.

Agnès. — Il ne s’y prenait pas mal. Que répondais-tu à tout cela ?

Angélique. — Je combattis d’abord ces premières raisons par d’autres que je lui opposais, et qu’il détruisait avec un artifice merveilleux. Victorie aidait encore à me tromper, et me faisait voir la religion du côté qu’elle peut avoir quelque chose d’aimable, et me cachait adroitement tout ce qui était capable de m’en rebuter. Enfin le jésuite, qui, comme j’ai appris, avait bien fait des conquêtes plus difficiles, fit ses derniers efforts pour s’assurer de la mienne. Il y réussit par la peinture qu’il me fit du monde et de la religion, et me contraignit par la force de son éloquence à embrasser étroitement son parti.

Agnès. — Mais encore, que dit-il qui fût capable d’exercer un pouvoir si absolu sur ton esprit ?

Angélique. — Je ne puis te le rapporter dans son