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Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/128

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un pas de « jabadao », des verres qu’on trinque à la santé de « ’n Aotrou Person ».

Et pour arranger définitivement les choses, Samm-laou s’invita sans façon à dîner !

À vrai dire, M. le recteur de La Feuillée, en l’occurrence notre estimable ami Samm-laou, avait le cœur joyeux et le pied leste lorsqu’il descendit de sa monture, face à la cathédrale : « An iliz veur. »

Cette monture était typique, en ce sens qu’elle devait être unique en son espèce. Figurez-vous un bidet de couleur indéfinissable, borgne, bancal, chargé outre mesure d’une série incontrôlable de vices plus ou moins héréditaires, avec cela affligé d’une manie pétaradante qui lui soulevait la queue immodérément, tous les deux minutes. Et quelle queue, mon Dieu ! Quelle queue ! Mais passons…

Samm-laou, frusqué de noir et tonsuré selon les règles de l’art, tira son chapeau en l’honneur du grand Saint Corentin ; après quoi il lui tira sa révérence. S’étant enquis de l’évêché, il s’y fit conduire, avec une noble gravité. Le vicaire général (ar Vikaël vraz), entouré d’une cohorte de soutanes, surveillait l’entrée du nouveau venu sur le domaine épiscopal. Un valet cérémonieux vint au-devant du brave Samm-laou, le salua et saisit la bride du palefroi inquiet lequel, dans un esprit empreint de la plus grande cordialité prit sur lui de répondre pour son maître par une salve de fusées plus odorantes qu’éclatantes.

Narquois, le « grand vicaire » daigna sourire. Mal lui en prit car il faillit achever sa jubilation dans l’éternité. Le destrier furieux lui décocha au passage une taloche amicale, une bonne petite ruade qui, depuis quelque temps, lui démangeait le sabot… Avec un rire claironnant et des claques formidables qu’il s’administrait sur les fesses, Samm-laou applaudissait à l’urbanité de son maigre cheval.

— À la bonne heure, s’écriait-il, en voilà un qui ne