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Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/155

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dais à voir surgir des fourrés gigantesques où croît l’airelle, les hommes chevelus de l’époque préhistorique…

Dans la nuit sombre, Riwall le Sonneur ne rêvait plus. Quoique il connût à merveille « Yun an Tremp » et ses abords fangeux, il se méfiait du terrain, craignant la traîtrise toujours possible des tourbières glauques. Du bout du sabot, aux endroits difficiles ou suspects, il tâtonnait, fichant rudement son pen-baz dans le sol. Prudemment, il enjambait les rigoles profondes où barbottent les vanneaux intrépides. Riwall aux aguets tendait l’oreille. Les bruits lui étaient familiers : le chuchotement cristallin de l’eau qui court et le frôlement du saule nain sur l’onde ténébreuse des mares. Riwall gagnait le terrain ferme, prit un sentier, lorsque soudain son pied buta. Il chercha en vain à se retenir, ouvrit les mains, tendit les bras. D’un bloc, il culbuta…

Riwall se releva sans trop de mal et ayant constaté qu’aucun de ses membres ne manquait à l’appel, il chercha son couvre-chef, autour de lui. Soudain, il poussa un cri. À quatre pas de lui, deux ronds lumineux trouaient l’obscurité et ces deux ronds bougeaient, vivaient. Il entendait aussi un souffle rauque. « Guillou ! », murmura Riwall effrayé. Alors, une pensée atroce lui vint et dans son affolement, il appela au secours de toute la force de ses poumons. Le loup recula en grognant. Riwall le Sonneur, les bras collés au corps, désespérément, ferma les yeux. « Je suis dans la fosse aux loups… avec le loup », se répétait-il. Peu à peu, il se calma et ouvrit l’œil. Les deux yeux allumés, étranges le fixaient. Riwall se baissa, chercha son pen-baz, mais en vain. Le fauve qui épiait ses gestes se mit à grogner et s’approcha. Le sonneur crut sa dernière heure venue. La sueur lui collait ses longs cheveux à la nuque. La main erra dans la ceinture de son « bragou-braz ». Les doigts glissèrent sur les écus ironiques, mais l’énorme cou-