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Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/11

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je ne fais plus de frais pour l’attirer ici : mais je dépense par habitude, par ennui, par dépit, par dignité même, pour qu’en soldant les notes de ma modiste et de ma couturière il soit forcé de me payer aussi cher que sa maîtresse. Voilà comment les demoiselles font la ruine d’un peuple entier. »

Allez ensuite interroger une de ces filles de concierge, qui dévorent jusqu’à deux et trois mille francs par jour. Elle vous répondra, si elle est franche :

« C’est aux femmes du monde que nous devons tout. Si elles n’étaient pas ce qu’elles sont, nous ne gagnerions pas notre vie. Notre clientèle se compose, primo, des maris qu’elles ennuient ; secundo, de jeunes gens qu’elles dégoûtent du mariage. Il n’y a pas moyen de causer avec elles : on vient causer chez nous. Elles ne permettent pas de fumer chez elles : on vient fumer chez nous. Il faut croire aussi que l’amour n’est pas follement drôle chez elles, puisque tous leurs maris viennent aimer chez nous.

» Elles ne nous valent pas, puisqu’elles sont moins agréables aux hommes, et elles nous méprisent ! C’est bien le moins que nous tâchions de les éclabousser un peu. Ça coûte cher à leurs maris : tant pis pour elles ! »