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Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/185

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bien et assez patient du mal pour mériter de gouverner les autres, voilà ce que l’improvisation la plus heureuse ne saurait créer en dix ans.

Ah ! s’il ne s’agissait que d’émarger cent mille francs au budget et d’éconduire poliment quarante solliciteurs au jour le jour, la plupart des Français seraient aptes à la chose ; mais le gouvernement est un métier comme les autres, sauf qu’il est plus savant et plus pénible que la plupart des autres : il faut de longues études et un apprentissage laborieux, même pour arriver à gouverner très-mal.

Vous me direz que la grande Révolution a fait éclore des hommes d’État par douzaines. Oui, l’éclosion date de 89, mais le dix-huitième siècle avait couvé les œufs. On comptait par milliers les individus de tout rang, de tout âge, de tout sexe qui étudiaient la théorie, et même, çà et là, la pratique du gouvernement. Tout ce monde accourut aux États-Généraux comme les écoliers de Paris s’en vont à la Sorbonne pour subir l’examen du baccalauréat. Sur tous ces appelés, combien d’élus ? Pas tant, car la Révolution, vous en conviendrez sans doute, nous a mieux défendus qu’elle ne nous a gouvernés.

Le difficile ne sera jamais de trouver des soldats et des marins qui nous défendent. Telle est l’organisation de la flotte et de l’armée française que les emplois y manquent aux hommes plus souvent que