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Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/54

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« Ma parole d’honneur panachée, mon cher monsieur, votre innocence m’étonne. Le père Thibautodé, mon auteur, m’a laissé cent mille balles de rente. C’est le strict nécessaire pour un garçon posé comme moi sur le pavé de Paris. Mon écurie en mange la moitié à elle seule, et pourtant je n’ai que trois chevaux de course, ou, pour parler plus juste, deux et demi. Le reste me permet d’être aimé pour moi-même, en second, par tout ce qu’il y a de plus chic dans le monde de la crinoline. J’étais hier avec Nana, je la lâcherai ce matin pour Tata, à moins que le souffle azuré de la fantaisie ne me pousse dans le giron de Zaza. Je ne me ruinerai pas ; a pas peur ! je sais compter ; c’est tout ce que j’ai appris au collége. Je pense aller comme ça, tout doucement, jusqu’à ma dernière année, suivant l’exemple de plusieurs vieillards vénérables qui émaillent le boulevard. Avouez que je serais bien bon enfant de partager cette modeste aisance avec une bégueule comme on en voit tant, et un tas de petits Thibautodé qui ne m’amuseraient pas du tout ! »

Ce petit homme, pourri avant d’être mûr, ne m’inspira qu’un profond dégoût. Je m’apprêtais à lui donner une leçon, mais son discours fut hué de telle sorte que mon éloquence eût été du superflu. Quand le tapage fut apaisé, un beau garçon de trente-cinq ans prit la parole et me dit :