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Page:About - La Grèce contemporaine.djvu/168

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mains effilées et délicates ne voient le savon que lorsqu’elles vont laver le linge à la fontaine, et ces jolis ongles roses sont condamnés à un deuil éternel. L’eau du torrent voisin est trop froide pour qu’on y prenne des bains.

Le souper de ces pauvres statues nous navra le cœur. Ils étaient assis par terre et mangeaient avec leurs mains des herbes cuites à l’eau et un méchant pain de maïs. Un petit garçon de douze à treize ans se tenait à l’écart sans manger. Son père prenait dans le plat une poignée d’herbes et la passait à la mère, qui la transmettait à l’enfant, qui refusait de la prendre : il sentait les premiers frissons de la fièvre. La mère rendait la bouchée à son mari, qui la mangeait.

Après le repas, qui dura un quart d’heure, chacun se jeta tout habillé sur une vieille natte ou sur un haillon d’étoffe grossière. Les deux vieillards se placèrent auprès du feu ; les enfants venaient ensuite. La belle jeune femme s’enveloppa dans une couverture et s’étendit sur la terre nue ; son mari se roula dans un caban et se plaça entre la famille et nous. On nous avait laissé la partie la plus confortable de la maison, et nous étions sur un plancher, à quelques centimètres au-dessus du sol.

J’étais le voisin du jeune couple, et je songeais en m’endormant que cette terre battue avait été leur lit nuptial et qu’elle serait leur lit de mort, et que le bonheur et les peines de dix ou quinze personnes étaient renfermés pêle-mêle entre ces quatre murailles.

Le matin, tout le monde s’éveilla avant quatre heures ; on se frotta les yeux : c’est la toilette qu’ils font. Quand nous nous fûmes levés, il restait dans un