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LA GRÈCE CONTEMPORAINE.

sur le Taygète les danses sacrées de Bacchus. Elles n’ont point dégénéré, ces gracieuses sœurs d’Hélène et de Léda ; mais elles ne dansent qu’une fois par an, et elles poussent la charrue.

L’aspect général de la Laconie rappelle surtout à l’esprit l’idée de la force. On y trouve cependant des paysages pleins de délicatesse. Quatre heures après avoir quitté Sparte, nous marchions au milieu d’une jolie forêt dont la feuille nouvelle brillait du plus beau vert émeraude. Une herbe épaisse formait partout de gros tapis au pied des chênes et des oliviers sauvages ; de beaux genêts dorés et de grandes bruyères, aussi hautes que de petits arbres, s’entrelaçaient pêle-mêle avec les lentisques et les arbousiers. Mille odeurs pénétrantes, échappées de la terre, exhalées du feuillage, apportées on ne sait d’où par la brise, se mêlaient ensemble pour nous enivrer. À chaque pas nous faisions la rencontre d’un joli filet d’eau qui tombait de quelque rocher pour nous rafraîchir la vue : ou bien c’était un petit ruisseau qui nous suivait depuis un quart d’heure, invisible et muet sous les herbes, et qu’un léger murmure, un reflet argenté trahissait tout à coup. Voilà les voluptés les plus exquises que l’on trouve en Grèce, après et peut-être avant le plaisir d’admirer des chefs-d’œuvre : un peu d’eau fraîche par un doux soleil. Et ne croyez pas que pour sentir ces beautés il soit nécessaire d’avoir l’âme de Rousseau, qui pleurait devant une fleur de pervenche : les Turcs, qui ne sont pas tendres, soupirent encore au seul nom de la Grèce ; et, dans les plaines insipides de la Thessalie, ils s’écrient, en versant des larmes : « Ah ! les eaux fraîches sur les montagnes ! »