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Page:About - La Grèce contemporaine.djvu/384

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toutes les misères. Une jeune fille s’écriait en rougissant : « c’est pour m’acheter un mari ! » on devine aisément que nous ne savions pas répondre à de si bonnes raisons, et que nous marchandions juste assez pour prouver que nous n’étions pas anglais.

Tout ce qu’elles nous vendent en étoffes, elles l’ont fait elles-mêmes ; ces chemises et ces écharpes de coton brodé de soie sont, jusqu’au dernier fil, l’ouvrage de leurs mains. Elles ont épluché le coton, elles l’ont filé au fuseau avec leurs longues quenouilles en forme de raquette, elles l’ont tissé sur ce métier qui est en permanence à leur porte. Les broderies sont de leur invention : elles improvisent sans modèle, sans dessin, sans maître, ces charmantes arabesques, constamment variées par un caprice toujours heureux. Toutes ces femmes sont artistes sans le savoir, et, de plus, elles ont la longue patience, mère des beaux ouvrages. Le temps qu’elles dépensent à leurs travaux ferait frémir la plus persévérante de nos belles brodeuses du faubourg Saint-Germain. Telle chemise brodée au cou, brodée aux manches, brodée au bas, brodée partout, a coûté jusqu’à trois ans de patience. On l’a commencée en berçant le premier-né de la famille dans cet humble berceau de bois que vous savez ; on l’a finie auprès du grabat d’un mari malade. Cette écharpe a été brodée par une vieille mère qui n’a pas eu le temps de l’achever : la fille a mis la frange et continué pieusement le dessin. Aussi il faut voir comme elles s’attachent à ces ouvrages qui ont pris une si grande part de leur vie ! Lorsqu’elles les apportent pour les