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Page:About - La Grèce contemporaine.djvu/392

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mais il est moins Grec que Vénitien. Parmi les Grecs proprement dits, les meilleurs que j’aie jamais rencontrés étaient de pauvres gens, mercenaires ou paysans. Je donnerais un général et deux ministres pour le petit doigt de Petros ou de Leftéri[1]. La population pauvre et ignorante est la plus intéressante du pays : d’abord parce qu’elle souffre ; ensuite parce qu’elle est moins habile à tromper.

J’ai beau chercher dans mes souvenirs, je ne me rappelle qu’une circonstance où l’on nous ait rendu un service désintéressé.

Nous approchions de Ladon, et nous venions de dépasser le petit village de Tsarni. Avant de nous engager dans le chemin couvert qui conduit aux bords du fleuve, nous fîmes une visite à quelques habitants du village, que nous voyions près de nous, groupés sous une tente. Ils étaient dix ou douze, qui prenaient leur repas en commun : un de ces repas innocents et frais, comme Pythagore les permet, comme Florian les décrit ; un de ces déjeuners de laitage qu’on est si heureux de prendre à la campagne, à condition de dîner à la ville. Ils étaient là, bergers et laboureurs ; les deux grandes tribus du peuple des champs ; la tribu nomade qui court de la plaine à la montagne, se chauffe autour d’un feu de broussailles, et ploie et déploie sa maison tous les jours ; et la tribu casanière qui s’acharne à croire fertile un même coin remué sans relâche ; qui choisit sa place au soleil et s’y fixe à

  1. Leftéri s’est marié pendant mon séjour en Grèce ; j’apprends à l’instant le mariage de Patios. Si leurs enfants leur ressemblent, Athènes comptera dans trente ans une douzaine d’honnêtes gens.