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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/201

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Non, certainement, il n’a pas été l’impassible ou l’ « Olympien » que l’on a dit, le poète qui a écrit ces vers désespèrés ! Il a cru seulement qu’il y avait d’autres souffrances, plus dignes d’être chantées, que celles de nos amours trompées, de nos vanités blessées, ou de nos vulgaires ambitions déçues ! Et c’est pourquoi si les Méditations, si les Nuits, si les Contemplations ont, les unes après les autres, inauguré comme autant d’époques de l’histoire de notre poésie contemporaine, j’affirme comme vous, et avec vous, Monsieur, que tes Poèmes antiques et les Poèmes barbares n’en ont pas ouvert, eux aussi, voilà plus de quarante ans, une moins nouvelle et une moins glorieuse.

C’est même ici que, si je l’osais après vous. Je développerais volontiers ce qu’il vous a suffi d’indiquer d’un trait vif et rapide. Encore une fois, je ne saurais ni mieux louer le poète, ni le mieux admirer, pour de meilleures raisons ; je ne saurais mieux parler de l’homme, avec plus d’affection ni plus d’émotion. Mais avez-vous bien assez dit toute l’importance de la révolution dont le succès de son œuvre a donne le signal ? Vous nous racontiez tout à l’heure que, dans ces réunions du boulevard des Invalides, où M. Leconte de Lisle aimait à s’entourer des jeunes admirateurs de son talent déjà mûr, on avait encore « le sentiment du respect »; et n’ajoutiez-vous pas que l’ardeur même d’une conviction un peu farouche n’empêchait pas cette impatiente jeunesse « de témoigner quelque déférence aux grands écrivains qui l’avaient précédée »? En êtes-vous bien sûr ? ce qui s’appelle sûr ? et vos souvenirs sont-ils aussi précis qu’ils sont sincères ? « Le sentiment du respect» hélas ! Monsieur, souffrez que je vous dise à ce propos toute ma pensée,