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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/355

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nos désirs, indulgents aux exagérations ou même aux mensonges qui amusent notre malignité ou caressent nos passions ; d’être, enfin, toujours portés à « croire les choses parce que nous voulons qu’elles soient » ? Je ne le pense pas, et je crois que ces tendances, qui sont dangereuses et pourraient devenir funestes, tiennent en partie à ce que l’esprit scientifique n’est pas assez répandu parmi nous. Là est à mon avis la source de quelques-uns de nos plus grands maux. Tout le monde les voit, ces maux qui nous divisent et nous diminuent, et les plus généreux esprits de notre temps s’efforcent à l’envi d’y porter remède. On dit à la jeunesse : « Il faut aimer, il faut vouloir, il faut croire, il faut agir », sans lui dire et sans pouvoir lui dire quel doit être l’objet de son amour, le mobile de sa volonté, le symbole de sa croyance, le but de son action. « Il faut avant tout, lui dirais-je si j’avais l’espoir d’être entendu, aimer la vérité, vouloir la connaître, croire en elle, travailler, si on le peut, à la découvrir. Il faut savoir la regarder en face, et se jurer de ne jamais la fausser, l’atténuer ou l’exagérer, même en vue d’un intérêt qui semblerait plus haut qu’elle, car il ne saurait y en avoir de plus haut, et du moment où on la trahit, fût-ce dans le secret de son cœur, on subit une diminution intime qui, si légère qu’elle soit, se fait bientôt sentir dans toute l’activité morale. Il n’est donné qu’à un petit nombre d’hommes d’étendre son empire ; il est donné à tous de se soumettre à ses lois. Soyez sûrs que la discipline qu’elle imposera à vos esprits se fera sentir à vos consciences et à vos cœurs. L’homme qui a, jusque dans les plus petites choses, l’horreur de la tromperie et même de la dissimulation est par là même éloigné de la