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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/358

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toujours dictées par la raison. Celles du discours académique sont larges et flexibles, on y prend et on y donne volontiers congé, par des transitions habiles, si l’on peut, sans transition quelquefois, c’est plus clair et plus franc, d’effleurer tous les sujets, comme à l’aventure, et d’imposer à tous les styles le caractère d’irréprochable pureté qu’un peu de soin rend accessible à tous et qui, comme l’a dit Guizot, imite le talent sans y prétendre.

Un auditoire débonnaire, c’est aussi la tradition, prend en bonne part toutes les hardiesses, ne se scandalise jamais, en ayant rarement l’occasion, se plaît aux paradoxes, sourit aux épigrammes, quand elles piquent sans blesser ; applaudit aux admirations, quand elles sont sincères ; leur pardonne de ne pas l’être, quand les circonstances les imposent ; ne vient pas pour s’instruire et ne craint que l’ennui. C’est en abrégeant qu’on l’évite ; plus l’indulgence est assurée, plus grand est le devoir de ne pas la mettre à l’épreuve.

Le temps verse chaque jour sur notre ignorance les rayons d’une lumière nouvelle ; la discipline qu’il impose en éclairant les esprits, vous l’avez dit excellemment, élève les consciences et les cœurs. Je n’attends rien de lui pour la perfection du langage.

Pourquoi voit-on des vocables sans reproche, bannis par le temps des discours sérieux, ne plus servir que par plaisanterie et joyeuseté ? des façons de parler énergiques et simples devenir rudes et obscures ? d’où viennent ces mots aventureux que Rabelais nomme épaves, et ceux dont parle La Bruyère, qui paraissent subitement, durent un temps, et qu’on ne revoit plus ? Pour quelles raisons ? Par