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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/476

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le plus de fruit. Ce point, c’était l’amour… Dumas faisait cette déclaration de bonne foi. Il s’abusait lui-même en croyant qu’il avait abordé les problèmes de l’amour par choix et pour des raisons de doctrine. Il s’y était attaqué parce qu’il en avait souffert. Il ne les avait pas choisis, il s’y était heurté, et cela dès la première heure où sa pensée éveillée avait commencé de réfléchir. Examinez les quelques thèses sur lesquelles il n’a jamais varié, vous trouverez derrière toutes la trace d’une misère ou d’une blessure personnelle. S’il a mené, par exemple, lui, le grand révolutionnaire, une campagne acharnée contre l’amour libre, que les romantiques de son époque justifiaient par la passion, que les féministes d’aujourd’hui justifient par le droit de la femme, c’est qu’aussitôt jeté dans le monde il avait connu la rançon de chagrin que ces caprices du cœur et des sens infligent, non pas aux coupables qui s’en grisent, mais, aux autres, aux innocents qui les expient. Écoutez de quel ton, devenu soudain très grave, le spirituel Ryons prononce cette phrase : — « Quand on est honnête femme, il n’y a plus qu’une chose à faire, quoi qu’il arrive et quoi qu’il en coûte, c’est de rester honnête. Autrement, il y a trop de gens qui en souffrent plus tard. » Ce soupir douloureux, c’est Dumas lui-même qui le pousse par la bouche d’un de ses héros favoris, de ceux dont un écrivain d’imagination peut dire : « Hic est filius meus, in quo mihi bene complacui. » Rapprochés du début de l’Affaire Clémenceau, ces mots de l’Ami des Femmes prennent tout leur sens. C’est la plainte de l’homme de cœur qui a reçu la vie hors du mariage, et qui, tout jeune, s’est trouvé différent des autres. Humilié et bruta-