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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/482

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autre public plus difficile, celui des lettrés qui demandent à une comédie de supporter l’épreuve du volume ouvert au coin du feu, lentement, froidement, loin du prestige de la rampe et du jeu décevant des acteurs. Toutes ses comédies l’ont traversée, cette périlleuse épreuve. Elles y ont résisté. Nous pouvons en conclure dès aujourd’hui que ces œuvres si actuelles, si modernes, si momentanées, eût-on pu croire, par les sujets et par les caractères, sont de celles qui dureront. C’est qu’Alexandre Dumas, par là-même qu’il opérait dans la chair vive, se trouve avoir d’instinct pris sa place dans le mouvement le plus original de notre époque, celui par lequel notre âge sera défini plus tard. Il aura exécuté au théâtre un travail semblable à celui de Stendhal, de Balzac et de Flaubert dans le roman, de Sainte-Beuve et de Taine dans la critique, de Thierry et de Michelet dans l’histoire. Il a introduit sur les planches toute la vérité dont elles sont capables. Il a fait de son théâtre, pour prendre la formule d’un des maîtres de cette révolution, une psychologie vivante. Par là, son œuvre s’associe à cette vaste poussée d’esprit scientifique qui circule d’un bout à l’autre de ce siècle et qui demeurera sa grandeur inégalée. Siècle douloureux, chaotique, heurté, troublé, qui a tout entrepris, si peu achevé, et dont on a pu dire cette parole désespérée, qu’il avait été fécond en avortements ! Il a pourtant réussi dans une de ses entreprises, il a fondé la Science. Si cette Science n’a pas produit tout ce qu’en attendaient, voici cinquante ans, ses premiers adeptes, un Taine et un Renan, si elle n’a pas résolu les problèmes de cause et de destinées qu’elle ne s’était d’ailleurs jamais posés, si dans le monde physique comme dans le monde moral elle a dû