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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/105

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LUC

autant que Julien, et ses seize ans se cambrent déjà très élégamment. Son costume tailleur lui donne l’allure d’un garçon plaisant allégé de la souplesse et de la fragilité d’une jeune fille et gagnant à cette ressemblance la démarche perverse et sémillante dont est faite sa grâce indécise…

Sans doute aucune autre heure ne s’offrira plus à Julien aussi réconfortante que celle-ci où la solitude redoutée se peuple tout à coup d’un si imprévu enchantement. Plus de Luc parce que Luc représente une affection maintenant plus délicieuse mais plus irréalisable que jamais. Plus de Luc ! Plus de gamineries douloureuses sous leur parure de joie. Plus de frôlements sournois des chevelures contre les joues. Plus de ces étreintes des mains où les paumes se comprennent, s’entendent et retiennent leur aveu. Impossibles plus que jamais, ces baisers qu’attirent les jeunes bras pâles et doux aux lèvres, d’où, timides, ces lèvres eussent pu remonter jusqu’à la bouche exquise. Plus, dans le fond des yeux l’audace des regards chargés de caresses effrayantes jusqu’à briser le frêle pivot sur quoi hésite et vacille la chair aimantée !… Plus de Lucet ! Mais Nine est là. Oh ! comme Julien l’aime ! Il l’aime autant qu’il peut aimer quelque autre que Lucet ! L’abîme ouvert, il peut le combler, presque. Il pourrait, dans ce soir douloureux, crier à Nine la tristesse défaillante de sa solitude, la violence de son amour ; il pourrait conquérir Nine d’un de ces regards qui soulèvent les âmes délicates ! Mais il ne le veut pas encore… Et tandis que ses yeux se perdent sur la joliesse de sa mignonne fiancée, il rêve cette chose monstrueuse :