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LUC

pourraient aimer et souffrir aussi de leur amour, leur souffrance lui serait atroce de douceur et délicieuse de cruauté…

Et Julien se demande pourquoi cette étrange pensée jaillit en lui, si soudainement, malgré sa volonté ?

Ils se pourraient aimer !… Daphnis, Chloé, Lucet, Nine…

Oui, oui, Luc, le petit Luc dont la chair tremble dans l’angoisse de ses beaux yeux ; dont le désir s’exprime en la ferveur des lèvres curieuses ; dont le corps, peut-être déjà meurtri de caresses, crie, splendide en sa nudité pâle, à d’imaginaires floraisons de chairs que sa chair n’a pas frôlées encore :

— Veux-tu de moi… veux-tu de moi ?…

Oui, oui, Nine, la petite Nine dont la bouche harmonieuse devine déjà, en regardant Daphnis, quelles fièvres d’une autre bouche à la sienne viendront se rafraîchir ; dont les paupières à peine voilent le mystère prochain d’épuisantes et chastes luxures ; dont le corps capricieux et charmant doit contenir le désir gonflé du mâle en ses courbes ambrées, et saigner pour lui d’un cri de reconnaissance éperdue :

— Je t’aime… je t’aime !…

Julien sait bien cela, lui, plus que tout autre, dont la chair adolescente s’est exténuée en de longues attentes. Il devine, il sent que ces deux enfants dont l’une rassemble toutes ses sympathies et l’autre — oh ! l’autre !… l’autre aspire toutes les souffrances et les délices impossibles de son être, il sent que ces deux enfants sont faits de la même chair que la sienne, prompte à s’émouvoir et tressaillante de langueur ; il sait que leurs épaules jolies frissonnent des

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