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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/132

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LUC

voix humaines… Tout se tait… Les harpes voltigent, telles qu’au bord de l’eau bleue un friselis de libellules polychromes dans les émeraudes endolories des saules… Le mystère de voix lointaines surnage et s’exprime éploré dans le murmure lent d’un psaume ! Le plain-chant stérile fleurit sous les violes et se métallisé dans la joie dansante des cymbales… Des pétales embaumés de fleurs neigent sur les bouches closes. Les harpes se résolvent en rosée claire… L’aube, après l’ombre, point ; et l’aurore se lève… Le rideau se déchire, et le soleil de Judée éclate en fanfares sonores dans les vermeils et les ors lumineux ; les maisons roses étincellent en la morne pâleur accablée des oliviers d’argent. Les guipures des jasmins et l’or des tournesols allègent le poids endeuillé des cyprès, la sveltesse des palmes et des tamaris. Tout se pâme sous la luxure azurée du ciel ; et des formes statuaires, hors les maisons, s’essorent, mouvantes et coloriées, dont les voix déjà, dans l’agonie paisible des violes, des harpes et des cymbales chantent la gloire du poème…

Et tout Paris halète sous la pesée glorieuse de cette vision, sous l’intense émotion qui, des mots, s’échappe et fouaille l’inertie des cœurs.

Marie de Magdala paraît, sinueuse et blonde, entre les feuillages mobiles des figuiers et des eucalyptus. C’est la musique passionnée du Cantique des Cantiques qu’exhale la mièvrerie charmeresse de ses lèvres : le chant royal de l’Amante à l’Amant !

L’Amant, ce jeune pâtre au doux visage ingénu que marquent de hardiesse virile ses beaux sourcils, arcs sombres tendus sur le gouffre lumineux des yeux