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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/138

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LUC

Julien, Luc et Jeannine s’arrachent tous trois l’un à l’autre et demeurent seuls, prêts à pleurer. Et cependant, qu’il eût été agréable ce bout de causerie, ensemble, dans le confortable équipage ! Tandis que tout seul, comment va s’arranger Lucet ? Comment ? retombé parmi la cohue indifférente des rues…

Dans l’escalier étroit et poussiéreux des loges, de fauves odeurs de chair se mêlent aux cosmétiques criards des femmes ; les figurants et les figurantes empoisonnent le suint ; la chaleur devient insupportable qui fait jaillir par bouffées la sueur au visage, sous les yeux. Lucet une fois déshabillé, se rafraîchit à nouveau tout le corps ; et sa chair s’émeut encore dans la solitude de sa loge surchauffée, et cette solitude, pour la première fois peut-être, lui pèse horriblement. Il se rhabille vite. Et c’est, en descendant, la rencontre des machinistes, des électriciens, un peu gouapes, bons garçons quand même, qui le saluent d’un important et respectueux et flatteur :

— Bonsoir, Monsieur Aubry !

La loge de Déah dégorge son trop plein jusque dans l’escalier qui, de la scène, descend directement devant le concierge jusqu’au couloir de la rue. Luc n’essaie même pas de pénétrer ; seulement, par-dessus des épaules, des voix et de la lumière se meuvent parmi les damas bleu pâle et crème du boudoir… Il passe, gamin, avec son feutre mou, havane, bien campé sur sa tête fine, son « complet » gris foncé et très élégant, très jeune, son col qui prend d’adorable façon sa nuque jolie et soulève son menton au profil rare qu’anime le sourire exquis et impertinent de sa bouche. Dehors les fanatiques attendent Déah Swin-