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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/180

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LUC

conforme au type que Beaumarchais désespérait de jamais trouver hors le talent d’une fille : « Nous n’avons point à nos théâtres de très jeune homme, assez formé, pour bien sentir les finesses du rôle. Timide à l’excès devant la comtesse, ailleurs un charmant polisson ; un désir inquiet et vague est le fond de son caractère. Il s’élance à la puberté, mais sans projet, sans connaissances, et tout entier à chaque événement ; enfin, ce que toute mère, au fond du cœur, voudrait peut-être que fût son fils, quoiqu’elle dût beaucoup en souffrir. »

Nine avait lu, à tête reposée, le Mariage de Figaro, sans exaltation d’aucune sorte. Elle s’était appliquée à découvrir l’émotion douce que répand autour de son inconsciente virilité la personne effrontée et jolie du page de Beaumarchais. Jeannine se fit, en lisant, tour à tour Rosine, Suzanne et… Fanchette. Oh ! Fanchette ! Fanchette surtout… Le pavillon, à droite, dans la « salle de marronniers » ; la nuit profonde ; le mystère de cette rencontre des deux enfants…

Elle n’est plus une enfant… Ni Luc ; Luc aussi n’est plus un enfant… Hélas !… Comme elle l’aimerait, gamin ! Quel soin elle prendrait des jolies boucles brunes qui caressent ses oreilles… oh ! ses petites oreilles, ce qu’elles sont jolies !… eh bien ! et ses joues ! et ses yeux !… et… Oh ! non, Nine ne veut pas y penser ; mais pourtant il lui semble, quand elle veut y penser, que déjà s’ombre d’un rien de velours noir — d’un rien, ça il faut l’avouer — mais n’est-ce pas tout ce rien ?… que déjà s’ombre d’un