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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/26

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LUC

esquifs de l’amour divin, les lourdes épaves de l’amour profane. Que de pauvres cœurs meurtris, Prière, au moment de sombrer, se tendent vers ta bouée salvatrice !

Quand l’invisible chanteur eut, de ses lèvres jolies, exprimé les notes ultimes du chant sacré, les fronts charmés se relevèrent.

Jeannine ne songeait plus à l’enfant de chœur disparu, dont la grâce vivante avait instruit ses clairs regards ignorants ; seulement, toute sa chair, ignorante aussi, venait de se surprendre émue d’un intense frisson qui, longtemps en elle, répercuta ses pures voluptés. L’image connue s’effaçait, mais l’enfant ignoré qu’elle imaginait aussi beau que l’autre sollicita le trouble de ses pensées.

La nef illuminée ou sombre gardait son secret. Jeannine ne pouvait deviner même la silhouette du petit chanteur debout là-haut sur l’une des tribunes élevées au-dessus du sanctuaire. De sa place elle regardait celle de droite où se croisaient des faisceaux de lumière et s’agitaient des ombres indistinctes contenues dans la haute balustrade de pierre ; et ses regards attentifs étaient impuissants à fouiller le mystère de ce foyer d’où s’épandait la pieuse chaleur des mystiques harmonies, la voix adolescente dont était toute son adolescence bouleversée.


Des dimanches et des dimanches passèrent sans apporter à Jeannine aucun éclaircissement sur la disparition mystérieuse de son enfant de chœur ; elle en était arrivée à dédaigner le pain bénit. Les petites brioches vermeilles furent sans saveur et sans joie ;