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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/261

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LUC
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— … Voyez, je vous ai dit, Nine gentille, tout ce que je pouvais, comme à un grand enfant sérieux déjà, très près des gamineries plus faciles à pardonner parce que, gamin soi-même, on en sent mieux la puérilité, et que peut-être on en est coupable… si coupable n’est pas un bien gros mot !… On ne dispose pas toujours à son gré des inclinations irrésistibles qui naissent d’un rien, ou de tant de choses ! qu’en vérité pas un être au monde n’a le droit, s’il est honnête et conscient, de vous reprocher d’avoir suivi la pente tracée devant soi vers l’abîme où vous entraîne un vertige soudain… Ne vous fais-je pas trop de chagrin, Nine, en vous dévoilant ce moi douloureux que vous croyiez peut-être si léger de tourments ?… ; Dites, je m’arrêterais… mais la bienveillance charitable de votre attention m’est douce, merci…

Jeannine, dans l’ombre plus dense, abandonne sa main et répond seulement d’une voix où la gratitude s’augmente d’émotion :

— …Je vous écoute, Julien… je vous écoute !…

— Vous êtes grande maintenant, Nine gentille ; vous m’avez vu tout enfant comme je vous ai vue toute petite ; à quoi bon me cacher ce que vous ne refusez pas d’entendre de moi, et que vous pouvez, vous devez savoir ; et pourquoi me cacher ce qui pèse horriblement, je le sais, je le sens, à votre cœur endolori ?…

Jeannine tressaille auprès de Julien, elle se sent attirée, non plus comme vers Lucet, mais mieux, par cette franche parole du jeune homme, et elle devine que Julien la veut aimer, l’aime peut-être, sans folie,