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LUC

seuil de l’avenue, comme d’habitude !… Lucet, en sortant avait aperçu à la première fenêtre la silhouette de Nine debout contre les rideaux, et sa main fine tenait un mouchoir appuyé sur ses yeux…

Oh ! ne plus bavarder longuement comme autrefois quand ils n’avaient pas assez, lui et Julien, d’affection et d’attentions l’un pour l’autre ?


Comme autrefois !!

Ces mots fouettaient de leur désolation la pensée affolée du jeune homme, qui signifiaient la rupture avec tout ce qu’il avait de plus cher, de plus affectionné, de plus douloureusement affectionné au monde !…

Dans la grande avenue silencieuse, quand le valet en livrée referma la porte soudain, il sembla à Lucet qu’un mur infranchissable lui barrait la route en arrière, effaçait tout le passé, et qu’il ne pourrait plus se retourner vers le chemin parcouru, et se souvenir… Il pleura…

Mai s’éveillait. La place Malesherbes offrait au clair soleil sa jeune verdure pâle et l’audace de ses bourgeons frondeurs. La gaîté neuve ruisselait de toutes parts sous le beau ciel souriant et vainqueur de la souffrance… Mai renaissait !

Lors, Lucet se souvint de Daphnis et de Chérubin… de Chérubin !!

Il était encore d’une grâce plus exquise que ces enfants, enfants seulement. Il allait être père : dans de jeunes entrailles se lève l’image et tressaillent ces joies épuisantes de son jeune corps adolescent qui firent, une nuit, ses grands yeux clairs se voiler