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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/48

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LUC

en marchant, sur les joints des larges dalles. Et sa marche était irrégulière.

Des jeunes hommes envahirent la rue du Hâvre. Luc vit qu’ils sortaient du lycée Condorcet. Quelques-uns étaient d’une extrême élégance et leurs vêtements indiquaient leur bien-être. D’autres étaient plus simples et leurs jeunes visages et les formes inachevées de leurs corps étaient beaux comme des fleurs au moment d’éclore. Les uns remontaient dans la direction de la Madeleine ou partaient du côté de la Trinité et de la Chaussée d’Antin ; un plus grand nombre se hâtaient vers la gare. Quelques-uns prirent le même chemin que Lucet, la rue Saint-Lazare, puis le boulevard Haussmann ou le boulevard Malesherbes. Un s’arrêta dans la cour de Rome ; une sale fille l’y attendait. Celui-ci avait une fine tête bouclée. La fille était ignoble ; elle reçut de l’argent que le lycéen prit dans son porte-monnaie, et un petit paquet bleu qu’il sortit de sa serviette… La fille avait l’air très mauvais, elle criait fort ; le jeune homme avait l’air très triste et très suppliant… Lucet ne démêla pas sur le champ la nécessité ni la cause des rapports de cet enfant avec la fille, mais la fille l’écœura… D’autres lycéens marchaient aux côtés de Lucet ; comme Lucet était très beau l’un d’eux le fit remarquer à ses deux compagnons ; tous trois le regardèrent et se parlèrent plus bas. Et Lucet devina que sa présence les préoccupait. Devant l’horrible statue de Shakespeare ils se séparèrent ; un seul remonta l’avenue de Messine. Il avait la grâce souple et onduleuse que disperse la jeunesse en toutes choses, jeunesse des plantes, des fleurs et des petits animaux joueurs, jeu-