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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/62

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LUC

nine un amour en lequel les sens abandonneraient la suprématie à l’esprit, il rêvait de modeler en Luc une amitié toujours jeune, sœur de l’amour qui vieillit, afin que de cette amitié et de cet amour il reçût, conformes à son idéal, les sensations, les joies, voire les douleurs qu’il en attendait.

Son apparent dédain de la Femme était surtout une sorte d’appréhension. Il les voyait toutes, ou presque, d’une insondable et niaise légèreté ; et, bien que les cheveux gris d’Arnolphe dussent faire attendre longtemps encore sa jeune tête, ses regards lisaient sur les fronts féminins, autour de lui :

Il n’est rien de plus faible et de plus imbécile…


Julien voulait cependant faire deux exceptions. — Sa mère et celle qu’il avait connue autrefois chez le Président de Villonest, Mme Jean Marcelot, s’auréolaient d’un nimbe immarcescible ; elles n’étaient presque plus femmes tant elles savaient bien l’être.

— Deux exceptions : Jeannine Marcelot et Déah Swindor… l’une, gamine exquise, était déjà la fiancée choisie, l’autre était la fée de ses rêves d’art…

Et voilà que tout son être tressaillait dans le hall somptueux où Déah Swindor offrait l’hospitalité à l’adolescent au doux visage qu’elle venait de nommer, avec sa royale nonchalance, sans appuyer sur les syllabes que veloutaient ses lèvres rougies au crayon : Luc Aubry. La pureté comme immatérialisée de la voix juvénile, la joliesse morbide de l’enfant debout auprès du piano, dénonçaient une âme exquise et sensible, tandis que la distinction rare et sans recherche