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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/105

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« Au plus, lui abandonnais-je ma main quand il devenait trop pressant. Deux ou trois fois, je permis qu’il me serrât longuement contre son cœur dans une clairière que baignait la lueur de la lune, et qu’il fallait passer avant d’atteindre les portes de la ville. Je m’imaginais à ces moments qu’Augustin rêvait de moi devant les tisons du bivouac, et qu’il souhaitait de m’étreindre ainsi. Non, soupirs qui m’enivriez alors, vous n’étiez pas ceux d’Aimery. Vous étiez ceux d’Augustin. Bras fiévreux qui enlaciez ma taille, vous étiez ceux de mon époux, et non pas ceux de mon galant. Front brûlant, qui rouliez sur mon épaule nue, vous étiez le front de celui qui rêvait là-bas, dans la plaine inconnue, à l’amour de sa chaste Malvina ! Lèvres, qui rongiez mes lèvres, vous étiez celles du songe qu’Augustin poursuivait endormi dans son manteau, sur la paille glorieuse du camp, au bord de la Moskova ! Non, vous n’étiez pas le front d’Aimery, ni les lèvres de ce beau fils, en uniforme de dragon vert. Vous étiez toute la passion de mon héros, et toute la vie de mon cher époux, lèvres et bras de l’autre !

« Jamais je ne t’aimai tant, mon Augustin, qu’aux heures de ces haltes. À travers les yeux d’Aimery, j’apercevais ton âme plus qu’en mon espoir de ton retour et qu’en ma mémoire de ton adieu.

« Cependant que le capitaine m’embrassait, mon imagination recevait tous les baisers que tu me donnas, celui de nos accordailles secrètes, dérobé derrière la grande porte de mon parrain, et ton cheval qui piaffait dehors, aux mains du soldat, t’en souvient-il ? Celui de nos fiançailles, dans le salon de mon père, devant la compagnie et la parenté en tous ses atours, et n’eus-tu pas l’audace d’appliquer longuement tes lèvres au coin de ma bouche jusqu’à me faire frémir ?… Et celui de nos épousailles, quand la berline nous emmenait au tapage des grelots et des grands trots, aux claquements