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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/107

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déserté les postes de Gouvion-Saint-Cyr pour se rendre au pillage de Moscow, mais qu’on retenait là sous les canons de la ville et les fusils des patrouilles ; des suisses rouges, qui s’amusaient à fabriquer de petites horloges… mais tout ce monde mourait de faim. Les convois restaient embourbés, disait-on, dans les sables de Lithuanie. J’ai vu tout de même des chariots comtois amener les fournitures de la compagnie Héricourt dans les manutentions. J’ai reconnu le c. H. Sur les sacs et les caisses. On réservait le pain pour les quinze mille blessés et malades du duc de Bellune. Comme il ne restait pas de place dans les bâtiments intacts, on poussait seulement leurs chariots à l’abri de murs encore debout, et les chirurgiens les visitaient là. Les amputés remplissaient l’air de leurs gémissements. L’odeur des cadavres sortait des maisons noircies, sans toitures… ce fut la peste… lorsque le vent arrivait du sud, nous fermions les croisées. Une horrible senteur de décomposition et d’excréments soufflait sur la ville… alors parut une nuée de juifs roux ! Oh ! Les boucles grasses qui flottaient sur leurs cous, sur leurs lévites sombres ! Ils se répandirent par la ville, achetant les uniformes et les armes, vendant du pain et du lard, de l’eau-de-vie au petit verre. De bivouac en bivouac, ils poussaient de singulières brouettes, chargées de vivres ignobles. On commença de tuer les chevaux, et leurs carcasses, raclées au couteau, encombrèrent les rues, que les corvées de soldats nettoyaient mal. Personne ne se souciait plus de son devoir ni de sa tâche… " on apprit l’entrée de l’empereur à Moscow. Les soldats qui purent marcher, qui possédaient encore un shako et un fusil, s’assemblèrent, et partirent dans l’espoir de participer à la conquête d’un pays plus riche… la ville ne fut plus qu’un amas de ruines désertes, de briques écroulées et noircies, de maisons éventrées,