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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/129

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base contenait des pralines : car le parrain honorait le savoir, généreusement. Les pralines mangées, l’instrument demeura, prétexte de danses et de postures gracieuses, devant les glaces des trumeaux. Omer pensa charmer, lui aussi, les bêtes féroces, Médor et les hommes semblables à lui-même, toute l’assistance des miroirs. Une glace suffisait pour qu’il fût deux : le maître et le disciple, le prophète et le peuple. Dans l’ancienne chambre de la duchesse de Lorraine, ordinairement interdite à ses ébats, le triptyque de la psyché lui donnait même trois auditeurs, s’il parvenait à se tenir là pendant les lectures de sa mère. Muet par crainte d’interrompre la savante, il s’amusait à vivre la gloire des bardes. Ou bien, il se voyait, à la cime d’un roc, Prométhée farouche et orgueilleux d’avoir dérobé au ciel le secret du feu qui modifie les choses, réchauffe les membres, qui rôtit les viandes et qui rassemble la famille autour de l’âtre, fond les métaux.

D’autres jours, fouillant, de sa pelle, le terreau des plates-bandes, puis le moulant à la forme du petit seau, il se louait de construire les maisons de vastes cités, de reprendre la tâche d’Osiris en Égypte, d’élever les pyramides et les sanctuaires, où Moïse viendrait tout à l’heure, avant Thalès et Pythagore, apprendre les sciences et les lois. Omer en promulguait quelques-unes pour l’usage des bestioles qui fuyaient la fourmilière ouverte.

Le matin, dans sa chambre, à demi nu, entre les genoux de Céline qui l’épongeait, pourquoi se fût-il distingué de ces premiers sages prêchant, ainsi dévêtus, autrefois, les principes de l’Art Sublime, au bord des fleuves de l’Inde et de l’Égypte, au long des routes marchandes, au parvis des temples, et qui portaient le nom impossible à retenir, le nom pour lequel la canne du bisaïeul cognait les doigts cruellement : « gym-no-so-phistes… » dans