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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/157

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moi, que je vous dis ! Sauvages ! Mais le gars à la chemise rouge enserra la taille… Omer s’aperçut que Céline se fâchait vraiment. Très robuste, elle rua. Les agresseurs l’appliquèrent contre la muraille, qui lui tenant les bras, qui l’épaule, qui les mains. ― Omer ! Omer ! Appelle donc, toi !… Agnès ! ― pleura-t-elle désespérément, Louis ! De sa main, le grand bâillonna la bouche, et la voix ne rendit plus que des râles étouffés. Tout étourdis, les danseurs tournaient, s’amusaient de cette lutte, sans intervenir. Omer n’hésita plus à croire qu’on voulait du mal à Céline. Anxieux, il appela : ― maman ! Il sauta jusqu’à la porte ; mais ses dents furent ébranlées par une formidable taloche qui sonna dans son oreille. Il chancela. Ses mains chaviraient. Démesurément enflait la douleur brûlante de la joue ; le sel des larmes piquait les paupières ; tandis qu’au fond de la poitrine nerveuse toute la vigueur de l’être, refoulée par l’effroi, se contractait. Et bientôt elle gonfla, s’amplifia jusqu’à la gorge, l’étouffa : il fallut qu’Omer laissât jaillir hors de soi l’éruption de cette rage, toute l’orgueilleuse colère des ancêtres outragés en lui. Déjà la chair ennemie, puante et fauve, il la mord à pleines mâchoires ; il serre à pleines griffes quelque chose qui se dérobe, se tord, hurle. Omer n’est plus lui seul, mais encore le pouvoir d’une vengeance héréditaire qui l’oblige à frapper et à déchirer jusqu’à ce que des poings maîtres le poussent dehors. Et il vibre des pieds aux cheveux, les muscles noués, la gorge étroite, le regard fixé sur les ennemis : ils lâchent Céline enfin. Elle se rajuste et fuit par la cour d’honneur. Lui refuse de se hâter, s’en va lentement à reculons, sans répondre aux appels de Mme Héricourt.