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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/162

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en référerai, monsieur, à son excellence, qui ne manquera point de vous satisfaire… j’en suis sûr… ― voulez-vous passer par ici, maintenant ?… ― à votre volonté. Alors pénétra dans le salon des colonnes un officier dont la fine épée relevait, par-dessous, un manteau vert, galonné d’argent au col ; il tenait à la main un tricorne piqué d’une cocarde mi-partie blanche et noire. Il salua, surpris de rencontrer une dame, et fut sur le perron prononcer à voix haute quelques phrases russes auxquelles répondirent de loin les exclamations vexées du colosse ventru. Ensuite, le bisaïeul et lui allèrent dans le parc. ― mon dieu, je vous rends grâces, ― murmura Mme Héricourt, ― si le bonheur de mon enfant lui est assuré… par les voies secrètes de votre providence… glissée à genoux, elle s’abîma dans la prière, et cacha sous les mains jointes les frémissements de son visage. N’osant interrompre l’oraison, Omer demeura comme seul dans l’immense pièce aux lambris lézardés, aux consoles déteintes, aux sofas de brocart fané. Comment tout cela n’était-il point enrichi soudain par la gloire souveraine du vieillard qui commandait, de son titre occulte, aux officiers des empereurs et des rois ? Comment ne se dorait-elle point de gloire souveraine, l’humble quenouille de la feue grand’mère debout au coin de la cheminée, dans le trou du rouet terni ? Qu’il était apparu sublime, le bisaïeul, indiquant du doigt le chemin du parc à l’ennemi respectueux ! Rien de son pouvoir n’était plus discutable. Et quelle beauté n’avaient pas les flocons de ses boucles blanches autour du vaste visage raviné ! Moïse lui-même devait être tel quand il revint du Sinaï avec le prestige de la loi. Un mot du vieillard avait soumis le chef des barbares victorieux, vengé son descendant de l’insulte ignoble. L’enfant s’enivrait de cette force propre aux siens.