Aller au contenu

Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le capitaine Lyrisse, un dimanche, se fit annoncer au parloir. Il demandait Omer, les deux Praxi-Blassans et Dieudonné.

Les cheveux gris du soldat l’avaient bien changé. Seul, Émile n’hésita point à le reconnaître.

― Omer !… Omer, comme tu es grandi ! ― disait le svelte parent, botté à l’écuyère.

Il enleva le petit homme, le serra contre son plastron amarante et l’embrassa rudement :

― Gresloup ! C’est lui, c’est le fils de Bernard !

Un autre officier, court et trapu, sous un manteau blanc, sortit de l’ombre :

― J’aimais beaucoup votre père, monsieur, qui était mon colonel. Un caractère admirable !… Je suis heureux de vous voir.

― Omer, ― reprit le capitaine, ― me reconnais-tu, mon cher petit ?… Tu ne m’as pas vu depuis deux ans. J’ai été en Russie… J’ai bien souffert, va, dans les casemates de Grodno…

― C’est toi, mon oncle, qui es revenu de Moscou dans une charrette ?

― Mais oui, mais oui… Tu sais cela ! À la bonne heure… Es-tu content que l’Empereur soit en France ?

― Oui, ― dit à tout hasard Omer, qui ne comprenait pas, ― je l’ai vu entrer par la porte Saint-Denis.

― Non, non, tu as vu entrer le Roi, pas l’Empereur ; je te parle de l’Empereur Napoléon !…

― Ah ! fit Omer.

― Comment ! tu ne sais pas que l’Empereur a débarqué en France, qu’il est à Paris ?

― Mais oui, ― répondit Émile, ― le roi Louis a rappelé d’exil son lieutenant général Bonaparte, et lui a donné le commandement de ses troupes. Le Père Gladis nous l’a dit en récréation, jeudi.

Les deux officiers se regardèrent, puis sourirent derrière leurs bicornes, en se montrant de l’œil le jésuite