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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/214

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sénateurs en robes de pourpre applaudissaient l’éloquence d’Omer qui réclama la liberté du débiteur, prêcha la guerre aux tyrans, voulut le partage des terres entre les plébéiens.

Il recommença toute l’épopée des hommes. Et cela lui donnait une joie divine. L’ange de la providence soufflait du feu sur sa tête impie. Tel fut le bienheureux secret que couva sa mémoire.

Les soirs d’été, le Père Gladis désignait une à une les étoiles qu’il vantait selon leur vertu mythologique ou alchimique, Dieudonné Cavrois complétait souvent le discours de ce gnome exalté, invoquant Copernic, Newton, leurs systèmes ; jonglant avec les planètes et les soleils, par les gestes vifs de ses mains potelées. Souvent même, ayant préparé la leçon par avance, l’élève ajoutait aux dissertations enthousiastes du professeur. À compter le nombre probable des sphères, à chercher les figures formées par les lignes imaginaires qu’il tirait entre les points lumineux des constellations, celui-ci ne manquait point d’en venir à la géométrie, à l’algèbre. Dieudonné Cavrois composait de tête tous les calculs, sans avoir besoin de fixer les angles, ni les polygones, ni les arcs, ni les cercles à l’aide du carnet. Aussi le père Gladis adorait-il le gros gaillard, le protégeait-il contre les autres jésuites, et les camarades. Avec un tel moniteur, le gnome pouvait, à son aise, divaguer, et adresser à Bételgeuse des déclarations dignes d’être mises en strophes.

La passion étrange de cet ecclésiastique pour la science du ciel rappelait à chaque seconde celle du père Anselme pour les idées providentielles de l’histoire. C’était, en grotesque, la réduction de semblables enthousiasmes. Parfois le Père Gladis, à la fin des explications, sautait, deux ou trois fois en l’air, les mains tendues, comme près d’atteindre les visages clignotants des astres. Édouard aussi s’enfiévrait. Dans l’obscur,