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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/231

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qualités spirituelles ou physiques, mais encore son titre de noblesse. Car vous n’enviez pas Dieudonné Cavrois : il vous surpasse en richesse, si je ne me trompe. Vous consacrez votre temps à vouloir une domination qui devant vous, évêque ou pape, les agenouillerait… Avouez-le !

― Oui… mon père.

Chétif, réduit à une chose grelottante et lamentable, ainsi parut à l’enfant son être détrôné. À quoi bon feindre ? Le confesseur, tel que Dieu, connaissait toute l’âme.

― vous voyez bien…, nos vices nous crucifient comme les fils de Caïn crucifièrent le Rédempteur… vous voyez bien qu’il faut penser à la douleur, et à Jésus en croix, pendant vos prières !

Le jésuite broyait l’âme pénitente. Omer fut comme un petit oiseau inquiet dans la main du chasseur.

― L’envie ! Mais c’est le contraire même de l’orgueil ! reprit la voix. Si vous vous jugiez digne de votre vanité chimérique, auriez-vous convoité l’intelligence d’un autre, la vigueur d’un autre, l’apparat d’un autre ? Vous auriez compté sur votre caractère propre, sur la médiocrité même de vos talents. Cette médiocrité, vous l’eussiez grandie en favorisant vos tendances à la résignation, à l’acceptation, à la franchise, au bon sens pratique. Un médiocre conscient de lui, et courageusement déterminé à des ambitions étroites mais obstinées, solides, celui-là peut devenir, s’il s’acharne, un dominateur…

Omer s’étonnait de reprendre espoir en soi.

― Oui, continua le Père Anselme. Qu’est-ce que la vie humaine de Jésus, sinon une vie médiocre ? Fils d’un charpentier, il parle à des pêcheurs ignorants. Il parle. Mais à cette époque la manie de parler était générale. D’Alexandrie et de Rome, les rhéteurs et les philosophes de carrefours étaient partis en foule. Il n’était