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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/234

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en cette matière du moins, c’est lui qui vous révèle votre force véritable. Les actes des héros, des rois, des peuples, vous frappent l’esprit, parce que ce sont des choses nettes et simples comme la foule même… Comme son œuvre… Elle a jugé, exalté, blâmé, déversé la gloire et la honte, au gré de ses misérables passions éphémères. Les annalistes ont enregistré ce bruit équivoque… Vous la sentez là, fantasque, spontanée, peu capable de logique ou de savoir, telle que vous, et prompte à l’enthousiasme et à la haine, aux jugements incertains et sûrs, telle que vous, mon fils…

Omer Héricourt écoutait les paroles qui devenaient, à mesure, l’écho de sa sincérité même. Il n’était plus lui. Il était le discours du confesseur. Toute objection formulée dans son intelligence aux abois chancelait devant la cruelle et claire vérité chuchotant au delà du treillage dans le surplis blafard. Déjà la logette de sapin semblait le cercueil du cadavre qu’il se reconnaissait être, au pouvoir de cette volonté ! Le Père Anselme tirait du corps l’âme adolescente ; il la déroulait ; il l’exposait ; il la montrait complète, et nulle par soi-même, grande par toute l’humanité incluse. Encore qu’il ne pût voir les yeux gris et verts du jésuite, Omer les dut fuir. Ils le poursuivaient de ces regards qui avaient, sans l’aide du langage, épousé sa faiblesse dans la cellule au carrelage terni. Le maître s’installait en lui, époussetait les coins reculés de son âme, dérangeait les souvenirs et les rangeait. Il faisait disparaître les faussetés, les attitudes morales, les mensonges intérieurs. Il violait la pudeur des ombres les plus secrètes. Il pénétrait, comme un soleil, les angles et les niches profondes de la maison mentale, en possesseur.

Maintenant Omer dévidait l’écheveau des fautes vénielles, embrouillées dans les mille actes quotidiens, à travers toute la trame de sa petite existence. Il ânonnait machinalement. À quoi bon dire ce que le