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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/273

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les cheveux coupés en oreilles de chien, à la mode de l’an II, des bottes à revers jusqu’aux genoux étroitement culottés, une cravate prenant le menton, un habit de couleur « eau-du-Nil » à longues basques. Pour accompagner au dehors ses visiteurs, il mit un chapeau de forme conique, à la Robinson. Contre son grand nez flaireur, les joues s’étaient, pour ainsi dire, collées et rétractées. Il avertit Omer qu’il avait eu l’honneur d’être poursuivi à Saint-Cloud par les grenadiers de Bonaparte, le 18 brumaire, parla d’un ami du colonel Héricourt, le général Pithouët, de ses discours à la Chambre, aussi beaux que ceux du général Foy, se souvint de Robespierre, qu’il avait connu avant la Révolution, alors qu’ils s’enrôlèrent ensemble dans les Rosati, société littéraire célèbre. La maison était spacieuse, meublée, en rococo, de chaises à dossiers ovales, de tables contournées et fraîchement repeintes. Une soubrette y riait, les cotterons troussés par-dessus les chevilles en sabots coquets.

Des faisans au plumage d’or picoraient dans la basse-cour du moulin, à Marœuil. Les meuniers, selon la vieille coutume flamande, formaient une compagnie de tir à l’arc. C’étaient des hommes vigoureux et moqueurs ; leur adresse étonna le collégien, certain dimanche. Un président leur distribua des prix : une boîte à musique, six livres de chandelles, une caisse de massepains. Le singulier gentilhomme au teint de couperose, aux cheveux roulés et poudrés ! Sa courte redingote, couleur de crottin, fermée d’un bouton à la taille, s’évasait par en haut, sur le linon touffu de la cravate et du jabot, par en bas, sur deux jambes de danseur, guêtrées de toile bise. À l’aide d’un chapeau plat, mais ample des bords, en honneur parmi les cavaliers de 1810, il s’éventait les yeux quand il n’usait pas d’un lorgnon monocle cerclé et emmanché d’or, pendu à une moire. Ce chevalier de Vimy, sur l’insistance respectueuse du capitaine