Aller au contenu

Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elvire grande fille et belle, avec la pureté de ces mêmes pupilles bleues dans un visage de clarté laiteuse. Il compterait vingt-quatre ans ; elle, dix-huit. Peut-être s’épouseraient-ils au reste. Cette idée lui donna de l’attendrissement. Il trouva drôle de commencer sournoisement sa cour. « Elvire jolie ! » se mit-il à la nommer. « Bel Omer ! » répondait-elle, coquette un peu, dans l’instant où, comme chatouillée, elle serrait les coudes et ramenait ses petits poings croisés contre sa gorge, en se dandinant avec la malice d’une crainte obscure. Il loua les fossettes des coudes, celle du menton menu ; elle parut sensible à ces compliments, moins, toutefois, qu’à l’offre d’un petit poussin jaune, qui mangeait seul, et trottait en piaillant. Elvire se plut à lui retrousser les plumes sur la tête, Omer de répondre aux interjections du bec par des discours relatifs aux événements contemporains. Sans trop comprendre, la joie de la fillette s’extasiait.

Cette sincère admiration enchanta le collégien. Auprès d’elle, il n’était plus le garçon de qui les enthousiasmes sombraient dans la débâcle soudaine d’une conspiration militaire, de qui la piété ambitieuse était méconnue par le rigorisme de l’Église ; il n’était plus le piteux cavalier que l’art équestre du capitaine blâmait, ni l’élève puni des jésuites, ni le mauvais auxiliaire méprisé par les champions des jeux au collège, ni l’enfant d’une patrie humiliée par la défaite et conquise par la tyrannie, ni celui qu’avait frappé brutalement un cosaque, en 1814, ni l’orphelin d’un père tué sur une terre lointaine, d’une veuve pauvre et endolorie par le chagrin, ni le descendant d’un bisaïeul autoritaire, et impotent. Près d’Elvire, il était l’homme fort aux approbations précieuses.

Pour enfant qu’elle lui avait paru d’abord, elle l’étonnait de ses parades mondaines quand elle jouait à « la visite ». De façon parfaite, elle parodia les grâces exces-