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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/316

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Il souriait au ciel et scandait les hémistiches en faisant tinter sa voix comme tinte une corde pincée sur la harpe. Il était agréable de savourer l’émotion que provoquait son éloquence.


Au commencement de l’été, on annonça la mort de Buonaparte. Omer jugea que toute une époque généreuse s’abîmait avec l’homme. Il plaignit son oncle Edme. Pour mourir isolé dans une petite île des océans africains, était-il nécessaire de tant avoir remué le monde ? Au collège, on abattait l’idole. Le Père Anselme l’assurait en classe : Buonaparte et son frère Lucien n’avaient pu réussir au 18 brumaire qu’en vertu d’un pacte secret conclu avec les thermidoriens et les royalistes. Ceux-ci, après l’insurrection de vendémiaire, s’étaient relevés plus forts ; ils avaient agi dans la société de Joséphine, pendant l’expédition d’Égypte, et fait, au loin, convaincre le vaincu de Saint-Jean-D’Acre par les messages de l’amiral anglais. Une fois l’affaire conclue, Sidney Smith, laissa forcer, par le navire qui ramenait Buonaparte, un blocus étroit, dont aucun bâtiment depuis quinze jours n’avait pu tromper la vigilance. Le pacte étant approuvé par les principaux des Anciens, cette assemblée ratifia l’événement de Saint-Cloud. Elle prétendait que le vainqueur des Pyramides, après un intérim nécessaire pour l’apaisement des sectes, remît, selon ses promesses, le pouvoir au Roi. Sa majesté le nommerait lieutenant général des armées françaises et, rétablissant la monarchie, gouvernerait avec une Assemblée nationale. Mais le condottiere refusa de tenir sa parole. Le duc d’Enghien, puis Cadoudal et Pichegru la lui rappelèrent en vain. Alors : ceux-ci dénoncèrent à l’état-major jacobin du général Moreau la convention secrète, et l’engagèrent à déchaîner contre le parjure toute l’armée républicaine de Hohen-