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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/318

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enseignements du bisaïeul s’accordaient avec ceux du prêtre. Et tout le rêve de l’oncle Edme, du major Gresloup, et de la Goguette bonapartiste était une erreur. La légende impériale s’écroulait avec son colosse à la tête d’or, aux pieds d’argile.

Le capitaine adressait d’habitude aux Moulins-Héricourt, afin de se présumir contre l’inquisition des jésuites, ses lettres au collégien. Caroline les remettait sans faute. Omer aima longtemps les relire, ainsi que certaines autres. De tels messages exaltaient son importance. Il tirait vanité, à l’ordinaire, de l’attitude que lui prêtait sa mélancolie de lecteur en manteau à l’espagnole, appuyé contre un arbre dans la cour du collège, loin des surveillants qui le croyaient d’ailleurs occupé de ses notes sur le cours d’histoire. Il laissait s’amollir la main qui retenait le message un peu jauni : telle son âme défaite et vaincue.


Saumur, ce 27 de décembre 1820.


« Mon cher conscrit,

« Ta sainte mère me mande que tu as été frappé par la détresse des pauvres que tu visites autour du collège. Presque tous, dis-tu, sont d’anciens soldats mutilés au service de Napoléon. Tu accuses le grand homme de leur misère. C’est un mauvais esprit que te soufflent tes jésuites du diable. Chasse-moi au trot ces sottises. Quand bien même ces misères seraient mille fois plus affreuses, elles paieraient à peine les ivresses sublimes de la gloire. Ces lâches se plaignent ? C’est que la veillesse et la stupidité propres à la vie civile les engourdissent. Demande-leur plutôt ce qu’ils pensaient lorsqu’ils entraient à Vienne en 1805 et en 1809. J’y étais, moi. J’ai vu. Ce sont des ingrats horribles. Plus tard tu reconnaîtras que j’ai raison, si tant est que tu puisses