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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/332

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du ridicule, le dissuadaient de tentatives plus osées.

Donc, glissant les œillades, il les chargea de tristesse. Ne savoir comment espérer l’amour de la jeune dame, et s’en navrer à en mourir, voilà ce qu’il croyait inscrire sur sa physionomie, durant l’espace de la seconde où il relevait sa tête penchée vers le volume. Il feignait alors de murmurer en soi quelques vers, si l’époux s’apercevait du jeu.

Pendant trois heures de pluie, l’adolescent prolongea le manège. Il s’ingéniait à des variations dramatiques, langoureuses, prometteuses de vices. On lui eût assuré, sans le surprendre, qu’entre ses paupières décloses, passaient visiblement les tableaux de ses imaginations ou de ses souvenirs érotiques : une servante qui le caressait étendu sur ses genoux, Corinne l’étouffant de ses étreintes musculeuses, ou cette jeune dame se dégrafant pour leur baiser double.

― Aglaé, offrez de vos cerises à monsieur… Les jeunes messieurs aiment beaucoup les cerises… Allons, ne faites pas le fier : cela rafraîchit…

― C’est de bon cœur, prenez donc ! ― ajouta la dame, toute rubiconde dans la franchise de son rire.

― Vous vous faites mal à la tête, à lire tant que ça, ― reprit l’homme. ― Saperlipopette ! il faut laisser les bouquins au collège…, et vive la gaieté !…

Omer sentit le sang lui bondir au front, puis affluer au cœur. Il reçut les cerises en tremblant, remercia, les garda dans ses mains.

― Mangez-les, à présent !…

Un cahot du véhicule le bouscula. Omer eût tué ce couple de qui la saine humeur ignorait évidemment ses manigances, ou s’en souciait peu. Il crut que deux larmes allaient éclore aux coins de ses cils, mais répondit poliment aux mille questions de gens ravis de découvrir un sujet de babillage. Il se vit examiné comme un acteur en scène. Le but de son voyage, l’état pré-