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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/358

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quinze marches, et nous trouvâmes au pied une chambre souterraine et ronde ; là plusieurs personnes attendaient, devant une caisse de fer ouverte remplie de rouleaux d’or. Sur la table reposait une manière de missel où chacun de nous put lire les serments des grands maîtres Templiers, écrits en français avec leur sang. Par ces actes, les onze signataires s’engageaient à détruire tous les souverains, en portant les premiers coups en France, puis en Italie, à Rome… « Pulvérise la tiare. Foule aux pieds les lys… » Les archivistes montrèrent à Cagliostro les contrats passés avec les principales banques d’Europe et qui prouvèrent l’énorme richesse de l’ordre. Vingt mille loges envoyaient à la Saint-Jean de chaque année, pour la fête du feu, une contribution totale d’un million huit cent mille marks. Cagliostro signa le missel ; et on lui compta six cents louis. Pendant tout le trajet du retour, dans la chaise de poste, il me promit de préparer la ruine des nobles autant qu’il serait en son pouvoir. Malheureusement, l’affaire du Collier tourna mal pour M. De Rohan et pour lui, bien qu’elle eût au mieux favorisé nos desseins. Mais, une fois en sûreté à Londres, il écrivit, selon sa promesse, la fameuse lettre annonçant la Révolution, la prise de la Bastille, la fin de la monarchie, la convocation des États généraux, le rétablissement de la vraie religion, le culte de la Raison. Je ne le revis plus jamais, car il alla se faire prendre à Rome, et mourut dans les cachots du Saint-Office. C’était un homme d’une intelligence éclairée et d’une belle érudition, mais trop porté vers les plaisirs de Bacchus, de Vénus, et les joies de la pure jactance. Son activité, en revanche, était la plus merveilleuse qu’on pût voir ; il n’était point de gens, et de toutes sortes, qu’il ne convainquît aisément.

― Mais, interrompit une fois Omer, il ne persuadait que les gens simples de prendre peur à ses fantasma-