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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/45

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― Et celle-ci ?

― Boas… on la met là. C’étaient les colonnes qui soutenaient le temple de Salomon.

― Bien, petit !… Et qui a construit le temple de Salomon ?

― Hiram, maître des apprentis et des compagnons.

― Recommençons l’œuvre d’Hiram, alors.

Omer plantait Iakin à droite, Boas à gauche ; et soigneusement, à l’endroit qu’indiquait la canne, il emboîtait les uns dans les autres les carreaux noirs et blancs du parvis. Ensuite il élevait la muraille. Maniant la minuscule truelle d’or, il feignait d’étendre le ciment. Il usait de l’équerre, du fil à plomb. Il joignait les poutres aux chevrons en les frappant du marteau. Dès que le fronton surmontait les deux colonnes, il ne manquait pas d’y suspendre l’étoile à cinq pointes par l’anneau que recevait un clou.

― Et voilà ! Le petit Omer a terminé l’ouvrage du grand Hiram ! Il aura, dimanche, un beau napoléon…

Une seconde fois le bisaïeul donnait la représentation de sa grimace, puis cessait. Où le songe de ses regards atteignait-il ? Loin, sans doute, très loin vers les nuages noirs qui se poursuivaient entre les restes de feuillage, entre les branches nues, ruisselantes, fouettées par l’averse… Omer ne comprenait pas que son parrain l’eût abandonné tout à coup, bien que le grand corps s’appuyât contre une oreillette du fauteuil. Même, certain jour, l’enfant ressentit de la frayeur, comme s’il se fût trouvé réellement solitaire au milieu de la pièce dont les boiseries grises contournaient les cintres des glaces, dont les vitres verdâtres et bleuâtres carrelaient le sombre espace du parc. Les mouches tournaient si bêtement autour du lustre que cela faisait mal au cœur !

À la fois présent et absent, le mystérieux vieillard paraissait un être surnaturel, dans le silence subit. Sa