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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/465

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soldatesques, Denise répliqua vertement qu’elle approuvait ce genre-là.

― J’ai du sang de soldat dans les veines, moi ! Je n’aime rien tant que la gloire ! Quel sacrifice l’emporte sur celui de la vie ? L’homme qui risque sa vie, par grandeur d’âme, a le droit de prétendre à tout. Aucun ne l’égale… Voilà mon opinion.

― Qui te la demandait ? ― fit doucement Émile.

Tante Aurélie quitta sa chaise, et les laquais furent ouvrir à deux battants la porte du salon. Chacun se retira, feignant d’ignorer la confusion de la jeune fille, sa colère blême.

Dans le jardin Émile et Delphine la blâmèrent. En acceptant le bras d’Omer, la comtesse lui dit :

― Dieu merci, j’aime beaucoup Denise ; cependant, elle me donne de mortelles inquiétudes. Elle est impérieuse et violente comme mon père. Elle ne cède jamais. Ceux que ne séduit pas sa beauté la jugent déjà sévèrement. Puisse son ange gardien la sauver ! Je crains fort pour son avenir. Que faire ? Une chose me chagrine entre toutes. Le comte est-il présent, elle se tient coite, elle vous a des façons d’infante espagnole. Lui parti, elle insulte, elle tranche, elle affecte les plus détestables manies. Donc elle ne se conduit bien que par peur. Elle ne fait rien par bonté, puisqu’elle n’a pas de politesse, cette politesse qui est la crainte de gêner autrui. Sa gourmandise me dégoûte fort, ainsi que ses effusions pour les petits chiens incongrus. Elle le sait. Il lui importe peu que je souffre de cela. C’est d’un mauvais cœur. Sa conduite devant mon mari dénote une hypocrisie assez vilaine. J’appréhende tout de son caractère qui ne s’amende point. Édouard peut souffrir beaucoup en ménage. Et j’adore mon fils. Si elle ne change pas d’habitudes, elle nuira certainement à la carrière de son mari. Elle écartera de lui les personnes de la société qui ne tolèrent point de tels manquements à l’étiquette,