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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/489

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dans le lieu du jugement. L’heure tardive justifiait toutes les raisons qu’on donna pour refuser de l’introduire. Alors il s’intéressa plutôt à un chapeau de femme en gaze verte ombragé de marabouts exubérants, à une simple robe de percale ouverte sur des épaules hâlées ; il aperçut une gorge qu’il souhaita caresser à travers le fichu de barège. Mais la visière de la capote masquait le visage. ― on ne pourra pas les revoir aujourd’hui ! Ah ! Mon dieu ! ― fit cette femme. Un soupir de lamentation s’exhala de ses grosses boucles. L’allure navrée, elle descendit les marches… la vérité de ce chagrin étonna d’abord Omer. D’autres gens qui discutaient, qui s’indignaient éloquemment, dans l’intention de convaincre l’entourage, ne remarquèrent pas la désolée. Quel enthousiasme libéral l’animait donc ? Son amant, son frère, son mari l’avaient-ils instruite de l’héroïsme tourmenté derrière ces murailles lugubres ? Ou naïvement plaignait-elle les captifs, pareils à ceux des romances qu’elle chantait sans doute pendant les heures de couture ? captif aux rivages du more, un guerrier courbé sous les fers…, fredonna la mémoire du moqueur. Après avoir passé, derrière l’inconnue, les grilles du bâtiment, il la vit s’engager sur le pont au change. C’était justement le chemin du palais-royal : il comptait y faire emplette de livres, à la librairie Ladvocat, excuse pour le désir intime de frôler, aux galeries de bois, les courtisanes parisiennes. Sans autres illusions que de fort vagues sur le résultat de la poursuite, il ne se dissuada point d’étudier les formes encloses dans la robe de percale et sous le fichu de barège. Pour éviter l’obsession des mendiants qui s’élancèrent du ruisseau, la promeneuse se détourna vers le parapet, Omer nota