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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/547

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qui menaça de sa mâchoire, de son œil fauve et fou, le commandant de Sorges, Omer… il tentait sans doute de rompre la corde nouant ses mains derrière le dos. Toute l’énergie de la bête aux abois agitait le rictus de la bouche convulsive, et les plis du front court. " comme il doit souffrir de ne pas se résigner ! " se dit Omer, qui voulait savoir l’intime de leurs émotions. Il fit un grand effort pour y parvenir. Mais rien ne se révélait que de prévu et d’ordinaire, en ces deux hommes, l’un ivre de foi, l’autre tordu de fureur impuissante. Le troisième, aux joues creuses et verdâtres, aux yeux pareils à de la craie, sous des sourcils noirs, se mordait cruellement les lèvres pour ne pas laisser fuir un cri. Dans le squelette de son torse sec, se succédaient visiblement les soubresauts d’une vie rétive à l’approche du supplice. La sueur collait les cheveux au crâne, brillait aux tempes, ruisselait sur les joues, sur le cou nerveux, essoufflé, jusqu’au linge chiffonné autour des épaules. Cependant le corps, arc-bouté à la barre de la charrette, ne fléchissait pas. " quelle lutte de la raison courageuse contre une sensibilité timide ! Voilà, certes, ― jugeait Omer, ― le plus noble des trois, bien qu’il soit le plus lâche… le premier semble déjà se croire au paradis des martyrs ; l’autre jouit encore de sa rage ; mais celui-ci pleure une existence qui, sans doute, s’annonçait noble et charmante ; et rien, ni l’espérance de la gloire, ni l’ivresse de la lutte, ne remédie à son désespoir. Pourtant il se tient debout : il ne veut pas laisser mourir son orgueil avant son corps… " une plainte perça le silence. Par-dessus la haie d’infanterie, une main de femme lançait une fleur qui retomba entre des baïonnettes. Un visage de terreur agonisait dans un chapeau de gaze : le chapeau d’Aquilina… c’é