Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/551

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Omer ricana. Vraiment, il ne s’imaginait pas vainqueur et fort à l’exemple de son père ; vraiment non. Il était une triste poussière desséchée, dont se jouaient les hasards, ou la Providence. À un âge, il avait, dans la Goguette, chez Corinne, voulu poursuivre les œuvres de triomphe entreprises par sa race, par l’aïeul jacobin, par le dragon des victoires républicaines et impériales. De toute cette illusion que restait-il ? Un grand-père, un oncle proscrits en Espagne et réduits à l’état de maquignons ; et le souvenir, déjà le souvenir seul, de quatre jeunes gens avec lesquels il aurait pu sans doute s’exalter. Quatre martyrs dont les têtes, à cette heure, roulaient sanglantes sur le plancher de l’échafaud, sans que cette foule, lâche et faible comme lui-même, leur donnât du secours !

De tout il ne restait qu’une attitude : celle du troisième condamné qui ne voulait pas laisser mourir l’orgueil avant le corps, et qui se mordait les lèvres pour retenir le cri de sa détresse. La fleur inutile d’Aquilina s’était adressée à celui-là, comme elle avait naguère adressé à Omer Héricourt un sourire d’accueil, méconnu par le soupçon.

Non, il ne fallait pas laisser mourir l’orgueil avant le corps.

Aussi convenait-il de demander à la puissance de Dieu le vêtement qui honore, du moins, la misère d’exister. Il seyait de compatir filialement à la démence d’une mère. Cela seul était le bien. Il fallait revêtir la soutane, cette forme souple et vague où disparaissent les dessins des membres, où l’homme quitte l’apparence de la vigueur animale pour le flottement de l’ombre.

« Car je sens que je ne suis rien…  »

Il atteignait le Pont-Royal. Les arbres entourant les bains frémissaient à la brise du crépuscule. Omer avisa l’entrée de la rue du Bac. Il y trouverait l’hôtel des Missions. Jusqu’alors, et pour s’octroyer le répit d’hé-