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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/58

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Omer Héricourt se promit d’imiter cet enfant sublime, égal en âge à lui-même. S’avouant inférieur par l’intelligence, le courage et le savoir, il déplorait pieusement son ignorance de la musique.

C’est pourquoi maman Virginie excitait en lui une vénération sincère quand elle touchait l’harmonium. Il restait immobile et silencieux sur le carreau, non loin de la robe noire. Le miracle s’opérait. La voix de l’être invisible et puissant jaillissait vers les petites flammes tremblotant à la cime des cierges ; elle se heurtait aux murs de pierre et aux vitraux colorés par la lune. L’ancien oratoire de la duchesse de Lorraine vibrait ; et l’autel étroit, son minuscule tabernacle de bois peint se transfiguraient alors pour l’enfant dont les oreilles ronflaient, dont la poitrine s’émouvait aux chocs continus des ondes chassées dans l’espace. Son corps lui paraissait une frêle chose qu’elles traversaient facilement et qu’elles imprégnaient d’une âme enthousiaste, vague, prête à pleurer, à crier, à aimer.

Maman Virginie chantait en latin. Ce langage inconnu augmentait le mystère. Son fils la regardait sérieuse, virile, pleine de douleurs qui se lamentaient en ces mots inconnus. Il pensait, à ces moments, la voir grandir. Les joues frémissaient autour de la bouche émue ; les yeux bleus visaient une apparition fort triste, sans doute, par delà ; les doigts refoulaient sur les touches, comme au fond du pauvre cœur même, les peines toujours victorieuses.

En même temps, les sons le pénétraient, lui, chétif. Leur force le saisissait, emportait sa raison lasse de vouloir comprendre et qui s’abandonnait aux essors harmonieux vers des gloires vagues. Soudain, il désirait avidement voir des personnes radieuses, ailées, en or, celles aussi que désirait certainement l’hymne de sa mère.

En lui un élan cherchait son but, s’épuisait à vou-