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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/74

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le chat sautait sur le secrétaire pour y faire sa toilette. L’enfant l’effraya par des gestes fous qui le repoussèrent dans les lettres où il piétina, scellant chacune selon les formes de sa patte noircie.

Le bisaïeul eût pleuré à la vue des dégâts. Il lui fallut recommencer les missives, et, tout un après-midi, se hâter pour finir avant le passage de la malle-poste. Quelle volupté intime Omer connut, dans le fauteuil où il feignit d’épeler, très sage, son Ancien Testament, jusqu’au soir ! Sans avoir rien commis d’évidemment punissable, il obligeait à une tâche fastidieuse le brutal qui essuyait, sous les lunettes, sa larme de vieillesse, et qui toussait parmi les paperasses innombrables.

Astucieuse, la justice d’Omer ne laissa nul méfait impuni, touchant sa personne. Pour cela, son estime envers lui-même s’exagérait.

D’ailleurs l’histoire lui prêta maints exemples qui l’encourageaient à l’éducation de cette puissance dissimulée.

Omer souhaita de l’obtenir. L’ancêtre n’assurait-il pas que Mizraïm légua la science aux sociétés des maçons, et qu’à Paris, en d’autres villes, les adeptes s’en instruisent mutuellement sous le sceau d’un secret rigoureux. Quand il serait grand, Omer les pourrait savoir ; et sa canne aussi fendrait les eaux, ferait jaillir les sources des rochers, les grenouilles des ruisseaux, les poux de la poussière, afin de nuire à ses ennemis. Fuyant les sauts de grenouilles acharnées à ses bas, ce hargneux comte de Praxi-Blassans ferait une drôle de figure qui vengerait Omer des pichenettes.

Le vœu d’égaler Moïse changea beaucoup de sa vie. Au premier orage, il refusa de quitter la fenêtre où se cassaient les promptes lueurs des éclairs, car Moïse les avait affrontés, avant d’être reçu à la Porte des Hommes par l’hiérophante de Thèbes, et de prononcer, l’épée sur la gorge, son serment de discrétion. Tout ce jour